Emmanuel Macron, chef de l’État français, s’est donc fendu, ce vendredi 27 novembre 2020, après la diffusion des images du tabassage en règle d’un producteur parisien roué de coups et d’insultes racistes par des policiers, d’un long communiqué, publié sur Facebook et sur Twitter.
Il commence par ces mots : « Les images que nous avons tous vues de l’agression de Michel Zecler sont inacceptables. Elles nous font honte. La France ne doit jamais se résoudre à la violence ou à la brutalité, d’où qu’elles viennent. La France ne doit jamais laisser prospérer la haine ou le racisme. »
L’auteur poursuit : « Je crois en la République exemplaire. »
Puis il annonce : « Je demande au gouvernement de me faire des propositions pour (…) lutter plus efficacement contre toutes les discriminations. »
On le constate : Emmanuel Macron omet d’abord de rappeler que « l’agression de Michel Zecler » a été perpétrée par des fonctionnaires de police.
Plutôt que de nommer pour ce qu’elles sont ces violences policières, il s’empresse au contraire de les insérer, comme pour mieux les relativiser, et en même temps qu’il assure que les images qui les montrent dans toute leur cruauté sont « inacceptables », dans une plus large condamnation de « la violence » et de « la brutalité, d’où qu’elles viennent ».
Il est vrai qu’il avait, au mois de janvier dernier, formellement « récusé », lors d’une visite à Angoulême, « le terme “violences policières“ » [1].
Et qu’il n’a pris ensuite aucune mesure pour empêcher ces brutalités dont il niait donc la réalité (dûment documentée, pourtant, par les glaçantes images, parmi d’autres, de l’interminable répression, qui avait ému jusqu’à l’ONU, du mouvement des gilets jaunes) - mais dont il prétend aujourd’hui, après les avoir ainsi encouragées par son refus de les reconnaître (car qui ne dit mot consent), qu’elles lui feraient « honte ».
Repris de justesse
Emmanuel Macron espère-t-il, par son communiqué, faire oublier ce déni ?
Espère-t-il, plus généralement, faire oublier, par ses protestations d’aujourd’hui, les dérèglements qui ont, depuis son début, constamment jalonné son quinquennat ?
C’est ce que suggère très nettement la suite de ce communiqué - où chaque affirmation, ou presque, semble être formulée pour occulter une vérité factuelle radicalement contraire à ce que soutient son auteur.
Lorsqu’il affirme par exemple qu’il « croit en la République exemplaire », le chef de l’État donne assez nettement l’impression de vouloir effacer une réalité dont la restitution exacte oblige à constater qu’au jour où ces lignes sont écrites : Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, est mis en examen pour prise illégale d’intérêts.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, fait l’objet d’une plainte pour viol.
Alain Griset, ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises, fait l’objet d’une enquête pour abus de confiance.
Thierry Solère, qui vient tout récemment d’être promu conseiller politique d’Emmanuel Macron, est mis en examen pour fraude fiscale.
Et c’est exemplaire, en effet - mais peut-être pas dans le sens qu’Emmanuel Macron semble vouloir donner à cet adjectif.
Enfin, quand il proclame bruyamment que « la France ne doit jamais laisser prospérer la haine ou le racisme » : le chef de l’État néglige, une fois encore - une fois de plus - quelques vérités qui bémolisent la portée de cette fière déclaration.
Prêcheurs de haine
Comme celle-ci, par exemple : depuis quelques années, un agitateur du nom d’Éric Zemmour, adepte notamment de la théorie complotiste du « grand remplacement » et collaborateur du Figaro (qui lui garde toute sa confiance), lance régulièrement des imprécations qui lui ont déjà valu plusieurs condamnations pour provocation à la haine raciale ou religieuse - lesquelles ne l’ont, cependant, aucunement empêché d’être recruté par CNews, où il continue d’empoisonner l’atmosphère.
Tout récemment encore, il a ainsi fait, sur cette chaîne dite d’information, cette déclaration : « Les migrants n’ont rien à faire en France. C’est avec notre argent qu’on finance notre invasion. »
Et cela lui a valu, comme à chaque fois ou presque qu’il profère de telles horreurs, d’être acclamé par le magazine Valeurs actuelles, qui partage son adhésion à la fantasmagorie du « grand remplacement » - et qui a lui aussi été condamné pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence (envers les Roms).
Or : quand Emmanuel Macron a décidé en 2019 de livrer à la presse écrite quelques « confidences », c’est à ce même hebdomadaire, dont il ne pouvait bien sûr pas ignorer le positionnement très - très - droitier, qu’il a offert cet entretien exclusif.
Et lorsqu’un an plus tard Éric Zemmour a été pris à partie par un passant manifestement ulcéré par ses diatribes, Emmanuel Macron lui a (comme l’a immédiatement révélé… Valeurs actuelles) longuement téléphoné « pour lui apporter son soutien » après cette « agression ».
De sorte que si le chef de l’État souhaite vraiment « lutter plus efficacement contre toutes les discriminations », il pourrait peut-être commencer, à peu de frais, par cesser de flatter, comme il le fait si régulièrement, des prêcheurs de haine.