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7 avril 2021

Pandémie et droits humains : Amnesty étrille la France de Macron

Après deux ans d’interruption, l’organisation non gouvernementale (ONG) Amnesty International renoue, ce mercredi, avec la publication de son traditionnel rapport annuel sur « la situation des droits humains dans le monde ».

Dans de nombreux pays, cette situation est, selon ce document, fort préoccupante : c’est le cas, notamment, de la France d’Emmanuel Macron, où les mesures prises par le gouvernement face à la pandémie de Covid-19 « ont soulevé un certain nombre de préoccupations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne l’usage excessif de la force par la police, le droit à la liberté de réunion pacifique et les droits des migrant·e·s et des demandeurs et demandeuses d’asile ».

L’application de ces mesures a ainsi « révélé un peu plus au grand jour l’utilisation récurrente par la police française d’une force illégale, en particulier dans les zones urbaines défavorisées peuplées majoritairement de personnes issues de minorités ethniques » : Amnesty explique avoir « recueilli des informations sur au moins quinze cas de ce type intervenus en mars et avril (2020) dans quinze villes différentes ». Dans certains de ces cas, précise l’ONG, les fonctionnaires de police incriminés « ont aussi tenu des propos racistes ou homophobes ».

« Usage excessif de la force »

Le ministère de l’Intérieur, observe ensuite le rapport, a défini depuis une nouvelle « stratégie de maintien de l’ordre dans les rassemblements ». Mais hélas : « loin de privilégier le dialogue et les techniques de désescalade », elle reste « axée sur le recours à la force, y compris l’utilisation d’armes et de techniques dangereuses ».

Or, déplore Amnesty, il n’existe toujours pas « de mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les cas d’utilisation illégale de la force », et cela est d’autant plus regrettable que « très peu de membres des forces de l’ordre ont fait l’objet de poursuites judiciaires à la suite des allégations d’usage excessif de la force pendant les manifestations » qui se sont déroulées en France en 2018 et 2019.

Par contre, l’Assemblée nationale a adopté en novembre 2020 « une proposition de loi rendant passible de sanctions pénales la diffusion d’images de membres des forces de l’ordre considérées comme portant atteinte à leur “intégrité physique ou psychique“, ce qui entraverait les possibilités d’amener » ces fonctionnaires « à rendre compte de leurs actes ».

« Interdiction de manifester »

La liberté de réunion a elle aussi été rudoyée. « Dans un objectif de protection de la santé publique, le gouvernement a imposé » en mai 2020 « une interdiction générale de manifester » qui a été suspendue par le Conseil d’État quelques semaines plus tard, le 13 juin. Pourtant, « des centaines de manifestant·e·s ont reçu des amendes pour avoir participé à des rassemblements sur la voie publique entre le 11 mai et la fin août ».

Tout récemment encore : d’autres « manifestant·e·s ont été arrêtés et poursuivis pour des infractions définies en des termes vagues, comme l’outrage à agent, le non-respect des obligations de déclaration préalable ou la participation à un groupement en vue de la préparation de violences ».

« Harcèlement et intimidation »

Pendant le confinement, explique ensuite le rapport d’Amnesty, « les défenseur·e·s des droits humains qui apportaient une aide humanitaire aux personnes réfugiées et migrantes à Calais et à Grande-Synthe ont quant à eux continué de subir des actes de harcèlement et d’intimidation ». Et « le préfet du Pas-de-Calais a pris, à l‘instigation du ministre de l’Intérieur, un arrêté interdisant la distribution de nourriture et de boissons aux migrant·e·s dans une grande partie de la ville de Calais ».

Plus généralement : « La pandémie de COVID-19 a fait surgir pour les personnes migrantes, en particulier celles qui vivaient dans des campements de fortune à Paris et dans le nord de la France, de nouveaux obstacles à l’accès aux droits économiques et sociaux ».

Ainsi, « le gouvernement a suspendu le traitement de toutes les demandes d’asile pendant le confinement. À Paris et dans le nord de la France, les migrant·e·s et les réfugié·e·s qui vivaient dans des campements de fortune ont cette année encore fait l’objet d’évacuations forcées récurrentes, y compris pendant le confinement, sans que ne leur soient proposés une autre solution d’hébergement ni un accès aux soins de santé. À Calais, les forces de l’ordre ont régulièrement soumis les personnes migrantes et réfugiées à des actes de harcèlement et à un usage excessif de la force ».

Plus au sud, « la police aux frontières a continué de refouler vers l’Italie des personnes migrantes ou demandeuses d’asile. En outre, des migrant·e·s ont continué d’être placés en rétention administrative, au mépris de la protection de leur santé pendant la pandémie. Les mineur·e·s non accompagnés continuaient de se heurter à de nombreux obstacles pour bénéficier d’une prise en charge et risquaient toujours d’être renvoyés vers l’Italie ». En juin 2020, précise Amnesty, le Conseil d’État « a conclu que le renvoi vers l’Italie d’une femme et de son enfant sans que leur demande d’asile ait été enregistrée et examinée constituait une violation du droit de demander et de recevoir l’asile ».

Quelques mois plus tard, Emmanuel Macron, chef de l’État français, déclamait ces fortes paroles : « La liberté, nous la chérissons. L’égalité, nous la garantissons. La fraternité, nous la vivons avec intensité. »